Notre séjour Estonien touche à sa fin. Nous retenons de ce pays, un contexte qui rend difficile une explication en un seul article. Voilà donc plusieurs points explicatifs sur notre aperçu, loin d’être exhaustif :
L’identité estonienne
La préservation de l’identité, des coutumes et de la langue estonienne sont au cœur des préoccupations. L’identité estonienne est, en effet, une question complexe : sur les 1,3 millions d’habitants, près de la moitié (30%) sont russes, tandis que les autres sont souvent de l’origine des pays qui les ont envahis (suédois, danois, finlandais ou russes etc.). Ainsi, le concept d’être Estonien à 100% n’a que très peu de sens. Les Estoniens avec qui nous avons échangé nous ont affirmé l’ambivalence qu’il peut y avoir entre la volonté de constituer un peuple estonien d’une part, et la réalité des brassages qui les rend multinationaux de l’autre. À la fois ils ont encore cette crainte de disparaître, et en même temps la notion de frontière leur est plutôt étrangère.
La musique comme fondement national
Ici chanter et faire la révolution vont de pair. La « Révolution Chantante » constitue les événements qui ont précédés l’indépendance de l’Estonie en 1991, et libérés le pays du joug communiste. La musique fait ainsi partie intégrante l’identité estonienne : elle est libératrice et fédératrice. Aujourd’hui le festival pan-estonien rassemble pas moins de 30 000 chanteurs devant un public représentant 1/3 de la population. Pendant ces quelques jours, c’est tout un peuple qui vibre aux sons des chants patriotiques et au souvenir d’une histoire commune.
Le système éducatif
Au lendemain de son indépendance, le gouvernement Estonien a procédé au « saut de tigre » avec un investissement massif dans l’Education pour que chaque école puisse se procurer des ordinateurs. La jeunesse estonienne a ainsi plongée le pays dans la vague des nouvelles technologies pour être reconnue, aujourd’hui, comme la Sillicon Valley européenne ou le pays des Start up et des « hard-workers » comme ils se désignent très souvent. D’après les études PISA, le système éducatif est d’ailleurs l’un des plus performants. Lors d’un échange avec le proviseur d’un établissement public, celui-ci nous a confié que le système est basé sur un investissement personnel très fort. Cependant, il déplore que l’aspect collectif soit très peu mis en valeur, et que l’éducation soit davantage portée sur des valeurs individualistes. Il nous explique cette particularité notamment par le rejet en bloc des valeurs communistes dès 1991. Par ailleurs, l’offre d’une option d’ouverture au « fait religieux » dépend de chaque lycée. Dans son établissement d’Haapsalu, la 2ème ville d’Estonie, il convie certains responsables religieux pour permettre au plus jeunes d’en savoir plus sur les minorités existantes. La religion n’est donc pas un sujet d’étude compris dans le cursus scolaire estonien, bien qu’il existe des filières spécifiques à l’université.
Le contexte interconvictionnel
Pays à majorité non croyante, les Estoniens ne se rassemblent pas autour d’une religion ou d’une éthique particulière, mais davantage autour d’une histoire commune et de la volonté de développer et enrichir leur jeune pays. Près de 78% de la population est non religieuse, et 22,7% de cette même tranche se dit appartenir à des spiritualités non reconnues. Les communautés religieuses classiques sont donc largement minoritaires quand bien même le pays regorge d’édifices religieux. La question du multiculturalisme ne se pose donc pas dans les mêmes mesures au regard de l’homogénéité que le pays présente. Néanmoins le statut laïc de l’Etat permet une reconnaissance de chaque conviction sans pour autant que celles-ci soient rattachées à l’Etat. Le ministère de l’intérieur a même publié un livre présentant les différentes communautés présentes sur le territoire ainsi qu’une page dédiée aux différents leaders spirituels. La communication entre ces communautés apparait fluide et plutôt ouverte. La période soviétique qui les avaient muselés, a néanmoins permis l’émergence d’un œcuménisme très actif. Aujourd’hui, Protestants et Catholiques célèbrent ensemble le chemin de croix de Jésus lors de festivités qui rassemblent plus de 2000 personnes dans la vieille ville de Tallinn.
Nous relevons ainsi une activité interconvictionnelle assez faible, propre au contexte du pays puisque chaque conviction s’attèle davantage à s’occuper de sa propre communauté. Néanmoins la jeunesse Estonienne souffle un vent nouveau notamment grâce aux échanges universitaires (programme Erasmus) qui leur permette de ramener en Estonie, d’autres méthodes de vivre ensemble.
Les problématiques que nous soulevons
Ainsi, nous nous interrogeons sur l’utilité d’une action inter-convictionnelle en période de cohésion sociale positive: faut-il attendre que des conflits éclatent pour aller à la rencontre de l’autre ? Faut-il laisser les préjugés et la peur s’emparer des uns et des autres sous prétexte que le contexte est favorable ?
L’Estonie a suscité chez nous beaucoup de questionnements, et nous espérons qu’une prochaine équipe de l’InterFaith Tour pourra se plonger plus en profondeur sur le contexte et complexités de ce pays !
Merci pour ce séjour cher Estonie, nous te quittons pour l’Albanie !