Nous sommes levés aux aurores pour être prêts pour un rendez-vous que nous attendons depuis un moment : la rencontre avec l’orchestre ainsi que l’opéra philharmonique du Kosovo. Nous en avions entendu parler il y a quelques mois en faisant des recherches sur le pays, nous sommes donc très impatients à l’idée d’enfin les rencontrer !
À notre arrivée, Dardan nous accueille. Avant de devenir le directeur manager, il chantait dans la chorale. Les présentations faites, il nous explique que nous sommes invités à assister à la première répétition du cœur de l’année: un vrai privilège. Nous nous faufilons dans les couloirs d’un bâtiment chargé d’histoire et nous arrivons devant une trentaine de chanteurs dans une ambiance de retour de vacances. Le choeur ne commence normalement pas les répétitions avant début septembre mais étant donné qu’ils ont un concert prévu en octobre, ils ont du décaler le début des répétitions : une sacrée aubaine pour nous quatre !
À la fin de la répétition, nous rencontrons Baki, le chef de choeur de cette formation qui accepte de répondre à nos questions. Il fait ce métier depuis plus de 30 ans, mais il a dû quitter le Kosovo pendant la guerre pour revenir 10 ans plus tard. Aujourd’hui, il affirme que les musiciens participent à faire ce que les politiques ne peuvent pas faire, en créant du lien : au sein de l’orchestre et du choeur, plusieurs convictions et nationalités sont représentées. Pour le moment, il n’y a pas de Serbes, mais il espère que la situation va évoluer à l’avenir. Il nous rappelle qu’il faut du temps pour digérer ce que tout le monde a vécu.
Après cet échange très instructif, nous allons manger avec Dardan que nous rejoignons devant KTV : la télévision nationale du Kosovo. Au cours de la discussion, nous comprenons que Dardan a 4 métiers pour pouvoir vivre à son aise, une réalité que nous ne connaissons pas et qui nous fait bien réfléchir. Pour son interview, Dardan nous permet d’accéder à l’un des plateaux TV de la KTV. On est donc sur un décor Claire Chazal pour l’interview de l’après midi. Pour Dardan aussi la réalité du Kosovo est encore très marquée par le conflit et les tensions intercommunautaires. Quand nous lui demandons ce que son expérience au sein du philharmonique a changé pour lui, il nous répond très justement : “la musique nous a permis de tisser des liens beaucoup plus forts que si nous étions simplement allés boire des cafés ensemble. Jouer ensemble, et atteindre une harmonie ensemble, c’est une expérience unique que peuvent vivre en commun des personnes très différentes”. Après une heure d’interview, nous quittons le plateau pour laisser la place à une émission politique. Nous remercions Dardan qui nous a permis de découvrir cet endroit et cet univers !
Au terme de la journée, nous réalisons la difficulté qui se cache derrière chaque contexte. Nous pensions que nous allions trouver facilement des initiatives qui rapprochent Serbes et Albanais car après une guerre vient le temps de la réconciliation. Ces rencontres nous ont fait réaliser la complexité de la situation mais surtout, nous avons appris que nous ne pouvons pas imaginer ce que c’est que de vivre une guerre. Nous pouvons l’imaginer à partir des livres d’histoires ou des témoignages de nos grand parents, mais nous ne savons pas ce qu’implique de vivre cette expérience. Alors après avoir écouté deux témoignages aussi forts que constructifs, nous mesurons la complexité de la situation du Kosovo aujourd’hui et nous cessons d’imaginer une réalité de réconciliation qui ne peut pour le moment exister.