Dès sa création dans les frontières qu’on lui connait aujourd’hui, l’Inde s’affirme comme un Etat laïque. En effet, malgré la teinture religieuse de la Partition et la majorité hindoue qui la peuple à 80%, son gouvernement traite avec une égale bienveillance chacune de ses communautés religieuses.
Autrefois réunis dans l’Empire des Indes, l’Inde et le Pakistan se dissocient en 1947 pour former deux nations distinctes dans la volonté de séparer les hindous des musulmans. Suite à la chute de l’Empire monghol au XIXe siècle qui s’accompagne d’un déclin du pouvoir musulman, puis à la pression séparatiste du pouvoir britannique colonisateur, naissent des tensions entre les deux communautés qui ne se résoudront que par la création d’une frontière entre elles. A la suite de la Partition, 6 millions d’hindous arrivent en Inde et 6 millions de musulmans la quittent pour le Pakistan qui, lui, affirme que l’Islam fait partie inhérente de son identité.
La laïcité indienne fait ainsi le choix de respecter uniformément sa propre mosaïque religieuse dans sa forte diversité. Le pays abrite en effet 4 religions d’origine indienne: l’hindouisme, le sikhisme, le jaïnisme et le bouddhisme et 4 venues d’ailleurs: le judaïsme, l’Islam, le christianisme et le zoroastrisme.
L’hindouisme couvre une infinité de pratiques qui se retrouvent cependant dans le culte de plusieurs divinités comme Shiva, Vishnu, Kali, Durga, Parvati et Ganesh. Il régit le religieux mais aussi la société dans les devoirs des particuliers et dans la morale générale en fonction de l’âge, du sexe et de la classe sociale de chacun. L’origine du système indien de castes est là. Cependant, l’hindouisme de l’Inde d’aujourd’hui remet en question ces divisions et les ashrams (centres spirituels hindous) contemporains interreligieux pullulent de Rishikesh à New Delhi, invitant hindous comme musulmans et Sikhs à partager le silence le temps d’une méditation. Au ashram de l’Art of Living Foundation, cette ouverture s’accompagne d’une forte responsabilité sociale qui mobilise des millions de personnes au service de l’éducation, de la lutte contre la pauvreté ou encore de l’environnement à travers 120 pays.
Le Sikhisme, quant à lui, représente 1,8% de la population. Né d’une combinaison d’influences hindoue et soufie, fruit de la pluralité religieuse indienne, il en est aussi en partie le ciment. En effet, 200 000 repas gratuits sont distribués chaque jour et vingt-quatre heures sur vingt-quatre à quiconque se présente sous les arcades du Temple d’Or, édifice sacré des Sikhs. Indifféremment de sa classe sociale, sa religion, sa nationalité, chacun se fait servir ou resservir un repas chaud, complet et végétarien par l’un des nombreux volontaires qui tiennent le lieu. Assis en tailleur dans un grand hall, au milieu des plusieurs dizaines de femmes et d’hommes qui à nos côtés font la vaisselle, coupent des oignons ou cuisinent dans d’immenses marmites, nous recevons pour seule instruction de ne pas gâcher de nourriture.
La ferveur spirituelle de l’Inde sert ainsi le social, mais aussi l’environnement. La Wash Alliance dans le Nord du pays rassemble chaque semaine des milliers d’étudiants de toutes religions qui enfilent les mêmes gants pour aller nettoyer la rivière sacrée du Gange dont l’eau insalubre demeure la source de vie de milliers d’Indiens. Sur cette même priorité environnementale, la Sadhana Forest, initiative de reforestation, a fait planter en 15 ans plus de 300 000 arbres par des gens de toutes convictions religieuses, philosophiques, morales et de tous les pays du monde qui viennent y vivre ensemble. Ils fonctionnent par la collaboration au contraire de la compétitivité, par une économie sans argent et sans hiérarchie entre adultes et enfants. Cet écosystème nouvellement créé s’est déjà dupliqué pour s’enraciner au Kenya et en Haïti afin d’y assurer une meilleure sécurité alimentaire par la distribution de nourriture en terres arides.
L’Inde fait actuellement face à de nombreux défis économiques, sécuritaires, politiques… qui savent être relevés par les communautés religieuses ou interreligieuses qui ont fait le choix d’activer le levier de mobilisation sociale que constitue la forte teneur spirituelle du pays.