Partie I : le contexte
Chiffres clés :
- Indice de Paix : 1.831
- Indice de diversité religieuse : 2.6
L’indice de Paix est mesuré par l’institut d’économie et de paix en Australie à l’aide d’une méthodologie qui prend en compte 23 indicateurs et qui donne une note entre 1 et 5 à chaque pays, 1 étant un pays très pacifique et 5 étant un pays très instable. Voici le lien du rapport 2021 : https://www.visionofhumanity.org/wp-content/uploads/2021/06/GPI-2021-web-1.pdf
L’indice de diversité religieuse est porté par le Pew Research Center aux États-Unis. Il mesure le degré de diversité religieuse dans chaque pays entre 1 et 10, 1 étant un pays très peu divers religieusement et 10 un pays très divers religieusement. Voici le lien du rapport 2020 : https://www.pewresearch.org/wp-content/uploads/sites/7/2014/04/Religious-Diversity-appendix-1.pdf
La diversité de convictions en Indonésie :
L’Indonésie est un territoire immense, les majorités et minorités religieuses varient selon les îles et les aires géographiques. Au sein de cet État-archipel, l’islam représente 87% de la population, le protestantisme 7%, le catholicisme 3%, l’hindouisme 1,5%, et le bouddhisme 0,5%. Les 1% restants suivent le confucianisme et ou d’autres religions et spiritualités traditionnelles. Comme dans beaucoup d’autres pays, ces spiritualités traditionnelles peuvent être pratiquées en plus d’une autre religion. Alors, quelle est l’histoire de cette diversité religieuse ?
Le bouddhisme et l’hindouisme ont été longtemps des religions officielles de nombreux royaumes dans l’archipel jusqu’au XVe siècle. On appelle cette ère la période hindou-bouddhique. Aujourd’hui, l’hindouisme est encore majoritaire sur l’île de Bali et présent dans certaines régions comme à Java. Quant au bouddhisme, on le retrouve essentiellement chez les Indonésien·nes d’origine chinoise. Très souvent, les coutumes locales sont des héritages de l’Hindouisme et du Bouddhisme. À Java, on trouve de nombreux monuments bouddhiques comme le célèbre temple de Borobudur.
La religion musulmane est arrivée sur tout le territoire d’Indonésie par des commerçants indiens, qui étaient principalement des musulmans. La plupart des adeptes de l’Islam sont concentrés sur les îles de Sumatra et de Java. Ces îles pratiquent principalement l’islam sunnite, mais il y a aussi, une importante communauté chiite dans la région de Jakarta et des petites communautés Ahmadiyya aujourd’hui persécutées en Indonésie.
L’islam se divise en deux grands courants le Nahdlatul Ulama (NU) et le Mohammadia. Le NU et signifie littéralement « Le Réveil des érudits islamiques » et a été fondé en 1926. Installée en Indonésie, il est la plus grande organisation islamique de la planète, avec environ 90 millions de membres et de fidèles.
Le Muhammadiyah compte également des dizaines de millions d’adeptes. Le NU et le Muhammadiyah ont beaucoup participé à la démocratisation du pays à la fin des années 1990. C’est au cours de ce processus que le leader de la NU, Abdurrahman Wahid (Gus Dur), est devenu le premier président démocratiquement élu de l’Indonésie en 1999, un poste qu’il a occupé jusqu’en 2001.
Le christianisme occupe la 2e place avec 10% de la population. Les Indonésien·nes se familiarisent avec le christianisme pour la première fois au XVIe siècle, lorsque les commerçants et les missionnaires portugais commencèrent à naviguer vers les îles, convertissant lentement les Indonésien·nes au catholicisme. Après les Portugais, les protestants hollandais sont arrivés, faisant de l’Indonésie une colonie hollandaise et limitant pendant longtemps les activités de l’Église catholique. Les chrétien·nes sont majoritaires dans certaines villes et notamment sur l’île de Papouasie.
Quelle que soit leur religion « officielle », les Indonésien·nes adhèrent souvent à des croyances et des pratiques antérieures à l’arrivée des « grandes » religions. À Java, on trouve ainsi le kejawen des Javanais et l’ Agama Sunda Wiwitan des Soundanais de l’ouest de l’île. Dans l’île de Sulawesi, on peut citer la religion traditionnelle des Bugis et l’Aluk To Dolo des Toraja. L’Indonésie recense plus de 1100 groupes ethniques sur tout son territoire.
Notre terrain d’étude :
Chiffres globaux :
- 4 villes étudiées : Jakarta, Salatiga, Yogyakarta, Kuta Selatan
- Saison 1 en février 2014
- Saison 2 en février 2016
- Saison 5 du 24 mai 10 juin en 2022 : 17 entretiens avec 44 personnes (dont 28 femmes 16 hommes), 10 observations
- 12 organisations interreligieuses
- 38 bonnes pratiques recensées
Entretiens :
- Olivier Chambard, ambassadeur de France en Indonésie
- Alissa du Gusdurian Network
- Syera et Aiqon de l’institut Setara
- Yunita de Jakatarub
- Meiske de SabangMerauke
- Fertiana du Ministère des Affaires Religieuses
- Shintya et Mudi de la Global Peace Foundation d’Indonésie
- Ambar, Hery, Ririn, Dwi et Aqung de l’institut Percik
- Kristi, Wiwin, Wulan, Misni, Karolina, Fitri et Ahsani de Srikandi Lintas Iman
- Novi, Desi, Ali et Yani de LKiS
- Leonard et Fatimah de l’ICRS
- Elga d’Interfidei
- Rully de l’école coranique Pondok Pesantren Waria Al-Fatah
- Elizabeth, journaliste
- Anissa, Anissa, Widi, William, Timothy et Rahmat de YIPC
- L’équipe des responsables religieux du Puja Mandala
Observations
- Conférence sur l’éducation en Papouasie
- Soirée des Français à Jakarta
- Verre informel avec Syera et Aiqon de l’institut Setara
- Visite de la mosquée Istiqlal
- Déjeuner et visite des bureaux avec l’équipe de Percik Institute
- Après-midi avec les partenaires et les organisations de spiritualités autochtones du réseau LKIS
- Déjeuner avec Elga de Institut DIAN/Interfidei
- Visite du temple de Borobudur
- Visite du temple et monastère Mendut
- Visite des lieux de culte du Puja Mandala
Nos découvertes et apprentissages :
Si l’Indonésie est le plus grand pays musulman du monde, on y trouve une grande diversité de convictions religieuses sur l’ensemble des 100 îles habitées (sur les 13 500 îles qui constituent le pays). De plus, de nombreuses organisations et projets interreligieux existent partout en Indonésie et la plupart est soutenue par le gouvernement indonésien.
Un de nos apprentissages est l’implication du gouvernement indonésien dans la gestion de la diversité religieuse. L’Indonésie se veut être un exemple à l’international sur la question et met en place de nombreuses politiques publiques. Tout d’abord, le ministère des Affaires Religieuses a créé un concept de “modération religieuse” qui veut que les institutions religieuses soient le moins “exclusives” possible, donc qu’elles soient les plus ouvertes et inclusives possible envers les autres communautés religieuses. C’est une manière de lutter contre les violences d’inspiration religieuse, un enjeu en Indonésie ces dernières années.
Aussi, le gouvernement indonésien soutient globalement les organisations interreligieuses et leurs actions pour rassembler les différentes communautés. Néanmoins, deux sujets peuvent encore être sources de conflits et deviennent alors de vrais piliers du plaidoyer de ces organisations : le traitement des personnes ayant des croyances locales (local beliefs) et la Papouasie indonésienne.
Nous avons rencontré plusieurs organisations défendant les croyances locales (comme la croyance Kejawen). Les croyances locales ne sont pas reconnues comme des religions à part entière. La plupart des habitant·es de Java ont été obligé·es après l’arrivée au pouvoir du président Suharto en 1968 d’adopter une des cinq religions officielles de l’Indonésie qui ne comptent pas les croyances locales. Cependant depuis 2017, le gouvernement indonésien reconnaît officiellement les croyances autochtones, qui peuvent désormais être mentionnées sur la carte d’identité des habitant·es. De nombreuses organisations interreligieuses que nous avons rencontrées ont participé à un plaidoyer très large pour faire reconnaître ces croyances.
La question de la Papouasie occidentale est centrale dès lors que nous parlons de l’application des droits humains en Indonésie. Conflits guerriers, déplacement de population, déforestation, déculturation et expropriation forcée des peuples papous autochtones, cette région est sujette à de nombreux défis en termes de paix.
En avril 2022, le plan du gouvernement indonésien de diviser la Papouasie soulève des critiques. Des milliers de Papous manifestent depuis contre ce morcellement de leurs terres ancestrales au sujet duquel ils et elles n’ont pas été consulté·es. Pour le gouvernement, il s’agit de diviser la Papouasie en 6 provinces pour aider le développement économique de la zone. Pour les Papous, il s’agit d’augmenter la militarisation pour pousser à l’exil des populations et renforcer la toute-puissance politique et économique de Jakarta sur la Papouasie. Certaines des organisations interreligieuses rencontrées, à l’instar de Interfidei, sont impliquées dans la défense des peuples papous, sur place en formant les citoyen·nes au plaidoyer et effectue des actions de plaidoyer envers le gouvernement.
Les organisations interconvictionnelles et interreligieuses :
- Gusdurian Network (Réseau Gusdurien)
- Setara Institute (Institut Setara)
- SabangMerauke
- Global Peace Foundation Indonesia (Fondation global pour la paix en Indonésie)
- Percik Institute (Institut Percik)
- Srikandi Lintas Iman (Srikandi Interreligieux)
- LKiS Lembaga Kajian Islam dan Sosial (LKIS, Institut d’études islamiques et sociales)
- Le consortium indonésien pour les études religieuses, ICRS
- Interfidei, Dian (Interreligieux)
- Young Interfaith Peacemaker Community, YIPC (la communauté interreligieux des jeunes artisans de paix)
- Puja Mandala (lieu de plusieurs religions)
Les bonnes pratiques recensées :
- Réseau
- Plaidoyer
- Activités de dialogue
- Institut de recherche
- Mesure de la paix et de l’inclusion
- Conseils
- Organisation interconvictionnelle
- Échanges de jeunes entre les îles
- Conseils auprès du gouvernement
- Le centre pour l’harmonie religieuse
- Organisation pour la paix
- Nettoyage des lieux de culte
- Construction d’un terrain de football
- Rencontre d’un immeuble chrétien et un immeuble musulman
- Événements de dialogue
- Programme Shankru’an
- Global interfaith assembly
- Global peace volunteer program
- Millenium peace festival
- Activités de recherche
- Visites de lieux de culte
- Programme de soutien à l’entreprenariat des femmes
- Formations
- Ateliers de la résolution de conflits
- Plaidoyer pour la liberté religieuse
- Campagnes de sensibilisation
- Groupes d’étude
- Organisation pour la justice
- Formations
- Aide à la création d’école du pluralisme
- Promotion de la coopération avec les minorités et groupes religieux
- Consortium universitaire
- Plaidoyer en coalition sur la lutte contre le trafic d’être humains
- Plaidoyer sur l’urgence climatique
- Nettoyage de plages
- Organisation interconvictionnelle de jeunesse
- Camps de jeunes
- Lieu de culte côte à côte