Entourée de pays où les tensions politico-religieuses sont très présentes, la Jordanie se distingue de ses voisins par la quiétude des relations entre ses différentes communautés. Composée de 95% de sunnites et 4% de chrétiens, la communauté religieuse jordanienne comprend peu de druzes, minorité issue du chiisme, dont la pratique et les fondements sont peu communiqués voire retenus secrets. Les bahaïs sont aussi peu nombreux; la religion bahaïe est apparue à la fin du XIXe siècle en Iran. Elle place la notion d’unité au cœur de ses enseignements et puise sa foi dans la croyance en la Manifestation divine. Ainsi, le Baha’u’llah, représentant des bahaïs et garant de l’unicité, est le symbole même de la jonction de toutes les religions.
La Jordanie, connue sous le nom de Transjordanie jusqu’à son indépendance en 1946, devient Royaume Hachémite après la signature d’un armistice avec Israël en 1949, qui met fin à sa participation à la guerre israélo-arabe de 1948-1949. Son soutien à l’Irak en 1991 lors de la guerre du Golfe lui fera signer un accord de paix avec Israël, initiative alors perçue comme une trahison aux yeux du reste du monde arabe.
Le roi Abdallah II, en place depuis 1999, participe à construire un équilibre interne et externe des relations interreligieuses en inaugurant un Institut royal pour les études interreligieuses et en diffusant, en 2004, le « Message d’Amman ». Adressé aux leaders et représentants de l’islam, le message définit ce qu’est l’islam et les actions qui la représentent, et invite les musulmans et les chrétiens à s’engager plus activement dans un dialogue. Cet effort œcuménique sera suivit en 2007 par « Une parole commune », une lettre ouverte adressée par 138 personnalités musulmanes à tous les leaders chrétiens, qui exhorte les communautés islamo-chrétiennes à passer d’un rapport respectueux à une relation de collaboration.
Parmi les initiatives rencontrées, nous retenons le « Coexistence Center » créé par Nabil Haddad, un prêtre arabo-chrétien orthodoxe qui considère sa communauté non comme une « minorité » (pouvant être ignorée) mais comme une « petite communauté », qui se doit de s’affirmer auprès des plus grandes afin de se faire reconnaître comme partie intégrante de la société dans laquelle elle s’inscrit. Le Coexistence Centre, qui porte une attention particulière aux femmes, travaille à la construction d’échanges entre musulmans et chrétiens notamment lors des fêtes. Il rassemble les communautés au sein d’une mosquée lors de Noël ou dans l’enceinte d’une église lors du Ramadan. Pour M. Haddad, c’est l’occasion de partager les valeurs interreligieuses comme l’amour et le respect et de les mettre en action : « On ne compromet pas nos religions, au contraire, on les utilise au mieux pour atteindre l’Autre ».