Ce matin, nous partons avec 2h d’avance pour notre rendez-vous avec le HCRRUN, le Haut Commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l’Unité Nationale. Cette fois-ci, hors de question d’être en retard, nous avons déjà du reporter le rendez-vous une fois. On nous fait donc patienter dans une salle en attendant l’arrivée de Claudine, la première rapporteuse de l’organisation, avec laquelle nous avons rendez-vous.
Elle nous parle de la violence politique qu’a connu le Togo de 1958 à 2005, et du processus de justice transitionnelle qui a été mis en place depuis dans le pays. Une commission vérité, justice et réconciliation a été crée, qui a recensé 30 000 victimes : le HCRRUN a pour objectif la réparation de ces individus, et des communautés auxquelles ils appartiennent. C’est notamment ce commissariat qui a crée les comités de paix. Je trouve le rendez-vous passionnant, nous en apprenons plus sur les motifs de conflits au sein de la société togolaise : les divergences politiques, les questions de transhumance, l’hérédité des chefferies traditionnelles, les inégalités de genre… Je trouve que les comités de paix sont une invention formidable, parce qu’ils permettent de prendre en compte plusieurs critères de diversité. On devrait faire la même chose en France, il n’y a pas à attendre des processus de justice transitionnelle à mon avis.
Après le rendez-vous, nous attendons au HCRRUN qu’Abderrahim revienne de sa prière du vendredi puis nous allons déjeuner. Nous nous rendons ensuite dans un café que nous avons repéré pour travailler, quand nous recevons un mail du Bureau InterFaith Tour : « Recommandation de retour en France ». Nous apprenons que nous devons rentrer sous 72h, pour prévenir la fermeture des frontières liée à la crise du covid-19. C’est un coup de massue. Nous avons suivi l’évolution du virus depuis quelques semaines, nous nous tenons informés, mais c’est dur de prendre la mesure de la crise avec la distance. Nous nous attendions à quelques changements dans notre programme, mais pas à un retour si prématuré et précipité. On s’effondre dans le café, on appelle Lucie, la présidente d’IFT, puis on essaie de trouver un billet d’avion pour partir. C’est compliqué, la plupart des vols sont annulés, on a du mal à avoir des informations sur le site d’Air France. On est complètement perdus, un peu sonnés, on n’arrive pas du tout à réaliser que dans quelques heures on sera en France. Je panique d’être séparée de Floraine, Abderrahim et Vincent…après autant de temps passé ensemble, j’aurais eu besoin de temps pour me préparer, d’un bilan pour revenir sur notre expérience ensemble.
On appelle Joseph pour qu’il nous ramène au Noviciat. Nous étions supposés aller à un concours d’éloquence à l’Institut Français mais on n’a plus trop le cœur à ça. Le retour est silencieux, on digère chacun la nouvelle comme on peut. Il y a quelques jours, j’ai fait une blague sur le fait qu’on serait vendredi 13 et que ça porte malheur, mais je ne m’attendais pas à ça… On essaie de faire bonne figure au diner face aux novices qui sentent bien qu’on n’est pas au top, ils sont mignons comme tout et nous poussent à voir le positif. Après manger, on prend un temps pour appeler nos proches et les prévenir de notre retour, puis on va faire nos sacs une dernière fois. On passe un moment tous les 4 dans ma chambre avant de dormir, sans savoir trop quoi dire, puis Floraine reste « dormir » dans mon lit, même si on ne dort pas beaucoup.
Adèle