Aujourd’hui, on avait l’espoir de pouvoir visiter Lviv sans la pluie ! On n’a pas été déçus, le temps était parfait. Après avoir mangé un reste de raviolis à la pomme de terre découverts la veille avec Tarace, nous sommes sortis retrouver Lidiia pour notre premier entretien de la journée. C’est une étudiante qui a notamment crée une école interreligieuse de journalisme pour apprendre aux futurs acteurs des médias à parler des questions religieuses sans diffuser des préjugés. Elle nous a proposés de la rencontrer à la Mairie, où elle travaillait avant et avait réservé une salle pour nous. On a discuté ensemble pendant 2h, du contexte interreligieux, communautaire et social de l’Ukraine. Encore une fois, c’est un exercice particulier pour nous de sortir des cadres de compréhension balkaniques pour appréhender un nouveau contexte bien particulier : « En Europe de l’Ouest, vous avez tendance à interpréter la peur de l’autre comme du racisme, et c’est normal au vu de votre histoire. Ici il faut bien comprendre que cette peur est très contextuelle : nous sommes dans un pays post-communiste, où les gens ont été habitués à subir des attaques continuelles contre leur identité religieuse et leur appartenance. Aujourd’hui, tout ce qui peut venir les rencontrer de l’extérieur et les questionner est vécu comme une menace ». Lidiia est quand même optimiste sur l’avenir des relations intercommunautaires dans son pays : non pas parce qu’elle attend un changement politique (elle ne croit pas du tout dans la politique ukrainienne) mais parce qu’elle observe que les jeunes, qui n’ont pas vécu l’époque communiste, son beaucoup plus ouverts à la différence.
L’interreligieux et les féminismes ukrainiens
On eu aussi une discussion passionnante sur les liens entre le féminisme et l’interreligieux. Lidiia nous a beaucoup parlé des Femen (le mouvement est né en Ukraine) et des féministes radicales, qui accusent les religions d’être les moteurs de la société patriarcale. Lidiia est d’accord avec ce constat, mais elle pense que la solution doit venir précisément d’une prise de conscience des responsables religieux, et d’un dialogue interreligieux sur la question, pas d’un rejet de toutes les structures et croyances religieuses. « Il y a déjà beaucoup d’actions menées en Ukraine pour l’interreligieux, mais il est temps qu’on sorte du simple dialogue théologique pour entrer sur le terrain des questions sociales qui animent notre pays, comme par exemple le féminisme ».
Eglises, cafés et chocolat
On a ensuite été rejoints par une amie de Lidiia et elles nous ont fait visiter des églises orthodoxes, catholiques et arméniennes qui étaient dans le quartier. C’est vraiment une ville incroyable Lviv, très loin des préjugés que nous avions sur l’Ukraine. On s’attendait à trouver un paysage très austère, marqué par l’architecture communiste : on trouve de beaux immeubles austro-hongrois, des allées larges, des centaines de petits cafés, du monde dans la rue, de la musique, des friperies et des marchés….on se croirait à Vienne, ou à Prague ! On a tous envie d’y revenir un jour en vacances, pour flâner dans les rues et faire le tour des cafés. Lidiia nous a emmenés visiter l’université et on s’est dit que c’était vraiment une ville sympa pour étudier. On a été prendre un « chocolat fondu » dans une chocolaterie magnifique. J’ai commencé par râler parce que le verre était tout petit puis j’ai découvert que c’était bien différent du chocolat chaud : beaucoup plus compact et concentré ! Délicieux, mais finalement c’est Vincent qui a dû finir mon verre (comme d’habitude…. !). En discutant avec l’amie de Lidiia, on a appris que toute sa famille était russe. Je lui ai demandé quelle était sa nationalité à elle : « Je ne sais pas. J’ai un passeport de l’Ukraine mais ce n’est pas ma nationalité. Je ne saurais pas dire de quelle nationalité je suis… mais c’est pas grave, on est plein dans cette situation ici ! ». On n’a pas trop creusé sur le moment mais je sens qu’on va encore découvrir ici un rapport à la nationalité et à la citoyenneté très différent du notre.
Barbecue à la campagne
On a ensuite retrouvé Tarace qui nous invitait chez lui le soir pour un barbecue. Il habite un peu en dehors de la ville, dans une zone plus rurale. Dans la voiture, on découvre des espaces à la sortie de Lviv qui correspondent plus à l’image mentale d’austérité communiste qu’on avait avant de venir. Par contre le village où habite Tarace est magnifique, et la visite de son potager nous a fait rêver ! Il avait aussi invité un ami et ses deux fils, Richard et Arthur, et sa femme avait préparé une délicieuse salade avec des légumes du jardin : on s’est régalés. On a joué au foot avec Richard et Arthur pendant que Tarace faisait cuire la viande au barbecue. Il voulait nous donner un aperçu de la vie dans une famille ukrainienne pendant le week-end, puisque pour une fois nous sommes hébergés dans un appartement où nous sommes seuls : on a été très touchés par l’intention. On a eu l’impression de passer une soirée chez des amis, un très bon moment de détente dont on se rappellera.
Adèle