Pour chacun de nous, Madagascar représente l’une des étapes les plus importantes. Non pas pour l’aspect interreligieux, mais pour la prise de conscience quant à nos privilèges. Cette neuvième étape s’achève ainsi sur une saveur teintée de reconnaissance et d’humilité.
- Quelques éléments de contexte
Dès le 14ème siècle, Madagascar suscite la convoitise des pays européens notamment par sa position stratégique vers la route des Indes et sa terre riche et fertile. C’est finalement la France qui obtient un protectorat sur la totalité de l’île dès le 20ème siècle. Aujourd’hui, la situation est toute autre. Avant la colonisation, Madagascar reposait sur un système féodal centralisé à Antananarivo avec la fédération des douze royaumes et dominés par les Mérinas. Cependant le fait colonial a participé à un changement de donne brutal sans pour autant parvenir à adapter l’importation de produits et concepts occidentaux aux réalités culturelles malgaches. Dès le lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, le parti nationaliste, à majorité Mérina, emporte la majorité des sièges parlementaires aux élections provinciales. Ce n’est que dix ans plus tard et dans un contexte tendu entre l’administration française et le parti nationaliste, que Madagascar entamera un processus d’indépendance, avant d’être pleinement souverain en 1960. La décennie qui suit est marquée par une « malgachisation » de la société et de l’économie, en corrélation avec la remise en cause des accords de coopération avec la France. Depuis lors, le pays a subi de nombreuses crises politiques et une situation particulièrement instable depuis 2009 avec des gouvernements de transitions.
- La découverte de nouvelles réalités
Pour la première fois du tour, nous étions dans un des pays les plus nécessiteux au monde, avec des réalités encore bien différentes de celles que nous avions rencontré auparavant. Madagascar est le 5ème pays le plus pauvre au monde : cette pauvreté se voit, se sent et si vit un peu partout sur l’ile. Si le facteur interreligieux n’est pas un sujet dominant sur l’île, c’est bien parce que les priorités sont ailleurs : lutte contre la misère, la corruption et la violence, les malagasys que nous avons rencontré ainsi que les étrangers vivant ici depuis longtemps, témoignent de cette difficulté à sortir la société du gouffre dans lequel elle semble s’enfoncer. Car le verdict est assez unanime, si chacun s’emploie à croire au potentiel du pays, tous ont conscience que la situation est réellement préoccupante et qu’il faudra des années encore avant de percevoir de réels changements. L’exemple le plus frappant ne peut qu’être celui du Père Pedro et du travail sans relâche qu’il mène auprès des plus démunis et de ceux étant nés dans ce qui fut la décharge des collines d’Antananarivo. A son arrivée sur la Grande Ile, on lui avait pourtant dit que tout n’était qu’une question de temps et que d’ici 50 ans Madagascar serait sorti d’affaire et de cette misère. Aujourd’hui, c’est avec peine qu’il nous assure qu’il en faudrait le double. Un échange qui n’est pas sans rappeler la fameuse citation du Général De Gaulle : « Madagascar est un pays d’avenir et le restera ». On s’attache quand même à croire que la jeunesse, si nombreuse dans ce pays, la fertilité des terres, et la beauté des paysages sont autant de facteurs pour présager d’un futur plus doux pour les malagasys.
- Une jeunesse qui y croit malgré tout
Le système éducatif malagasy est basé sur une « éducation inclusive » qui souhaite que tous les enfants, quelle que soit son origine sociale, raciale ou religieuse, puisse venir à l’école. Lors de notre rencontre avec le Ministère de l’Education nous avons pris connaissance du nouveau programme qui tend à instruire les jeunes sur la nécessité de la prise en compte de l’environnement et de la responsabilisation de chacun. Malgré la précarité des moyens, l’école tente d’être un rempart contre le décrochage scolaire, la délinquance et la reproduction sociale négative (95% de la population vit sous le seuil de pauvreté et 71% en situation d’extrême pauvreté). Fenosoa Sergia, fait partie de cette jeunesse qui souhaite changer le regard qu’on peut porter sur la société malagasy. Bloggeuse chez MondoBlog, elle écrit de nombreux textes sur des sujets divers et variés pour également donner plus d’attention à ceux qui s’engagent pour le changement. Dans cette même veine, nous avons rencontré plusieurs groupes de jeunes étudiants de l’Université d’Antananarivo. Si le premier a décidé de lancer une boite de production médiatique pour mettre en lumière les nouveaux innovateurs et entrepreneurs malagasys, le deuxième se consacre à la diffusion de la culture via de multiples expositions dans le centre CRAAM (Centre de Ressources des Arts Actuels de Madagascar). Hobisoa, qui en est la directrice exécutive, nous a aussi confié l’importance du scoutisme dans ce pays, les valeurs qu’il enseigne et les populations qu’il parvient à fédérer. Hobisoa fait d’ailleurs partie du comité qui s’emploie à rassembler sous une même bannière de Scoutisme malagasy, les branches, protestantes, catholiques et laïques.
- La religion : premier facteur culturant à Madagascar
Si le travail interreligieux n’est pas forcément très développé à Madagascar il n’empêche que le religieux est omniprésent dans la culture du pays. Les pratiques syncrétiques sont notamment monnaie courante et parmi celle-ci on retrouve la cérémonie Famadihana, dite du retournement des morts, fruit d’un héritage ancestral, qui a lieu chaque année et représente un investissement conséquent pour chaque famille qui la pratique. La majorité de la population est ainsi d’obédience chrétienne (57%) tandis que les spiritualités traditionnelles représentent 47%. La société malagasy n’est absolument pas sécularisée malgré l’importation du principe de la laïcité par la colonisation française. En effet, s’il y a bien en théorie une séparation des Eglises et de l’Etat, le facteur religieux est bien trop ancré pour pouvoir le mettre de côté. Si pour beaucoup, la rencontre avec Bénédicte et son affirmation en tant qu’athée était une première, certains nous ont aussi fait part du tabou qu’il y avait autour de l’athéisme, car s’il existe dans de petites proportions, il n’est absolument pas affirmé ou dit, que ce soit dans le cercle familial ou en dehors. La communauté musulmane (3% de la population) est installée depuis longtemps à Madagascar, mais est désormais victime d’investissement étrangers encourageant une pratique fondamentaliste de l’Islam pour contrer l’Islam dit « colonial » de leur parents et grands-parents. Aidée par une association Israélienne, une petite communauté juive nouvellement converti, revendique sa descendance à l’une des 12 tribus perdues d’Israël. Malgré nos efforts, nous n’avons pas réussi à trouver de contacts pour rencontrer cette communauté et en savoir davantage sur leur histoire. Comme dans beaucoup de pays à grande précarité, si les communautés religieuses sont très présentes, on leur reproche beaucoup leur implication trop forte au niveau politique et elles sont souvent soupçonnées de corruption. Dans ce cadre-là, le FFKM (Conseil des Eglises Chrétiennes de Madagascar) qui rassemble les leaders religieux des différentes églises chrétiennes majoritaires, s’emploie à sensibiliser chaque chef religieux sur son influence dans la société mais également sur des sujets contemporains en lien avec la mondialisation et la mutation des sociétés. En bref, faire en sorte que l’Eglise puisse être un facteur de soutien aux population plus qu’un facteur rétrograde sur les questions sociales.
On remerciera tout particulièrement la Communauté de Don Bosco, Liantsu et toute sa famille (et même leurs adorables chiens 😉 ), Philippe qui nous aura bien chouchouté et avec qui on aura bien ri, Eric Rajaona, et Haja et Luc qui nous ont accueilli pendant près de 5 jours dans leur centre éducatif, le SPV Felana, et qui réalisent un travail plus qu’admirable !