Le Monténégro a été une étape un petit peu particulière de notre voyage : en été, Podgorica est vidée de ses habitants au profit des villes côtières, notamment Kotor et Budva, beaucoup plus touristiques. Malgré nos efforts, nous n’avons donc pu avoir que très peu de rendez-vous et d’entretiens pendant cette semaine. Mais nous avons quand même réussi, à travers nos discussions informelles avec des Monténégrins, à saisir certains enjeux qui animent le pays.
Les minorités ethniques au Monténégro
Il y a une particularité très forte du Monténégro, que nous avons saisie immédiatement par contraste avec la Bosnie-Herzégovine : il n’a pas connu la guerre récemment. C’est l’un des seuls pays de l’ex-Yougoslavie qui a connu une transition pacifique vers l’indépendance, et ça se sent dans les rapports entre les gens. Toutes les discussions ne sont pas appesanties par les mêmes problématiques mémorielles, et le paysage ne porte pas les stigmates d’affrontements.
Pour autant, le Monténégro n’est pas exempt des questions culturelles et inter-ethniques qui animent toute la région des Balkans : on y trouve des Monténégrins, des Serbes, des Bosniaques, des Croates et des Albanais. Leur ethnie est leur principal critère d’appartenance, et les différentes communautés restent assez hermétiques les unes aux autres, même si elles ne sont pas en conflit. Les minorités du pays sont reconnues dans la constitution, ont le droit de pratiquer leur langue et de l’apprendre à l’école, et d’utiliser leurs symboles nationaux. Il existe même un Conseil de protection des droits des membres des groupes nationaux et ethniques, qui travaille à l’échelle nationale.
La langue officielle du pays est le monténégrin : c’est la même que le serbo-croate, mais tout le monde l’appelle « notre langue » pour éviter les tensions inter-ethniques qui peuvent provenir du fait de l’appeler « monténégrin », « serbe », « croate » ou « bosniaque ». On a trouvé ça intéressant parce que c’est une démarche inverse de celle qu’on a observé en Bosnie, où la langue est un véritable instrument de revendication ethno-nationale.
Quelles relations interreligieuses?
La principale source de tension au Monténégro est intra-communautaire et intra-religieuse, entre orthodoxes : certains revendiquent le développement d’une église autocéphale monténégrine et d’autres, attachés au pope de Serbie, ne la reconnaissent pas. Nous avons eu l’occasion de discuter cette question avec un gérant de restaurant orthodoxe serbe et avec Petar, un jeune qui appartient à l’Église monténégrine, et effectivement leurs discours étaient très différents. Pour le premier, la nouvelle Église n’a aucune substance, pour le second, l’Église de Serbie impose son influence sur le Monténégro. On comprend qu’encore une fois, ce sont surtout des luttes de pouvoir et d’influence qui sont en jeu.
Au Monténégro, il y a aussi des musulmans sunnites et des catholiques romains. Dès qu’on dépasse les questions politiques, les relations interreligieuses sont très apaisées, notamment au sein de la communauté albanaise. Il est très courant pour les Monténégrins de s’inviter mutuellement à célébrer les fêtes religieuses : nous avons pu le comprendre parce que nous sommes arrivés au lendemain de l’Eid, que beaucoup de chrétiens avaient passé avec leurs voisins ou amis musulmans. Les jours fériés sont adaptés au calendrier religieux de chacun et l’enseignement culturel et religieux à l’école est très complet.
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Le bilan de notre semaine au Monténégro est un peu mitigé. Nous avons touché du doigt certaines problématiques; mais devant l’impossibilité de rencontrer des acteurs de la société civile, nous avons senti que nous ne pourrions pas appréhender de manière approfondie le contexte du pays en termes de pluralisme et de relations inter-communautaires. Nous avons tout de même profité du séjour, et nous n’avons pas été trop dépaysés parce que la culture, la cuisine, la musique et le patrimoine restent balkaniques, dans la continuité de ce que nous avons vu en Bosnie. Notre semaine au Monténégro nous a donné envie de revenir creuser notre sujet d’étude une autre fois, mais pas au mois d’août !