ArticlesPaix en Pratique(s)Saison 4

Paix en pratique(s) – Géorgie

Peace Cathedral

La cathédrale de la paix est l’église évangéliste baptiste de Tbilissi. Elle a accueilli les vagues de réfugiés tchéchènes dans les années 90, et a permis à la communauté de vivre ses premières expériences interreligieuses en échangeant avec les familles arrivées en Géorgie dans ce cadre. Pour continuer ce travail, l’église a décidé d’ouvrir les deux salles sur les côtés de son autel pour construire une mosquée et une synagogue. C’est le seul lieu au monde qui abrite sous un même toit les lieux de cultes de trois religions différentes (avec la House of One en cours de construction à Berlin). La démarche va même plus loin, puisque les responsables de l’église demandent à la communauté juive de payer pour les travaux de la mosquée, et à la communauté musulmane de payer pour ceux de la synagogue. 

Depuis 2013, l’église évangéliste a lancé la « Peace Academy » pour lutter contre une vague d’islamophobie violente en Géorgie. Pendant 10 jours, des enfants de 11 à 15 ans de religions différentes sont invités à échanger sur leurs pratiques et leurs croyances, et à mener des actions sociales ensemble. Ensuite, les jeunes membres du programme continuent de se réunir régulièrement, et ils ont même développé d’autres groupes interreligieux d’activités artistiques, comme une troupe de théâtre ou un groupe de danse. Chaque année, une équipe de photographes en herbe de différentes religions et convictions parcourt le pays pour créer une exposition, dont le thème évolue d’un an à l’autre : « everyday life of interfaith communities », « sacred places » ou « interfaith women ». Ce sont les jeunes qui choisissent la thématique de l’exposition pour l’année suivante.

Tolerance and Diversity Institute

L’Institut pour la Tolérance et la Diversité travaille sur le respect de la liberté de religion en Géorgie. Il propose principalement du conseil et de l’accompagnement juridique gratuit sur différents sujets liés à des discriminations religieuses, raciales ou ethniques dans le pays, et notamment les inégalités d’accès à la propriété, la restitution des biens confisqués sous la période soviétique, la construction de lieux de cultes, la discrimination bancaire ou encore les difficultés d’obtention de permis de résidence.

L’institut promeut des réformes substantielles du système éducatif pour l’inclusion des thématiques liées à la diversité culturelle dans les programmes d’histoire, d’éducation civique et de littérature. Ils ont développé une collection de manuels, « School of Tolerance », utilisée par des professeurs du secondaire et de l’enseignement supérieur.

TDI a également crée une plateforme multimédia, « Images of Diversity » : à travers des vidéos, des photos ou des articles, elle permet à des personnes de différentes identités religieuses, ethniques ou nationales (surtout des jeunes) de parler de leurs vies de tous les jours, de donner des exemples de leurs échanges interculturels et de partager les formes de discriminations auxquelles elles font face. La plateforme propose également une série de vidéos sur l’histoire et les traditions des différents groupes qui forment la Géorgie, leur répression pendant la période soviétique et les défis systémiques auxquels ils font face aujourd’hui.

L’Institut propose des séminaires pour les étudiants et les responsables politiques locaux sur les liens entre l’Etat et les minorités religieuses, et sur les pratiques de discrimination. Ils ont également lancé un programme de formation sur l’égalité de genre pour des femmes de différentes communautés religieuses et ethniques dans les régions de Kvemo Kartli et Adjara.  

Center for Participation and Development

Le CPD travaille aujourd’hui sur la prévention de la radicalisation chez des jeunes publics susceptibles de rejoindre des groupuscules d’extrême-droite. Cela fait notamment suite à l’assassinat d’un de leurs collègues par deux jeunes néo-nazis en septembre 2018, une affaire très médiatisée dans le pays qui n’a malheureusement pas menée à la reconnaissance d’un crime de haine. L’influence des mouvements radicaux sur la jeunesse géorgienne est aujourd’hui grandissante, et le Centre se rend donc dans des établissements scolaires pour propager un contre-discours : leur démarche n’est pas de remettre directement en question l’idéologie proposée par les néo-nazis mais de montrer quelle vie attend ceux qui les rejoignent (délinquance, prison, rejet social), pour donner aux jeunes l’opportunité de choisir une autre voie que celle de la haine.

Le CPD organise également des camps de jeunesse qui rassemblent des personnes de toutes les communautés et de toutes les minorités de Géorgie et de plusieurs autres pays (Arménie, Azerbaïdjan, Ukraine, Russie). Chaque journée est consacrée à un groupe en particulier, qui peut choisir des activités pour partager sa culture et ses traditions (cuisine, histoire, langue…). Ils travaillent à déconstruire les préjugés et les barrières qui empêchent les jeunes de se rencontrer, et pour favoriser les rencontres improbables. Par exemple, deux jeunes respectivement originaires d’Azerbaïdjan et d’Arménie (2 pays actuellement en guerre) sont devenus très amis et ont pris plein de photos ensemble : avant de partir, l’Arménien a du effacer toutes les photos pour que sa famille ne les voit pas, mais a assuré que jamais de sa vie il ne prendrait les armes pour lutter contre les Azéris. Un jeune Géorgien a appris l’ukrainien pour séduire une fille qui lui plaisait, etc. : les anecdotes montrant l’impact durable de ces camps sur ceux qui y participent sont nombreuses. Les camps de CPD permettent également aux jeunes d’assister à des formations sur les droits humains pour détecter plus facilement les atteintes qui leurs sont faits dans leurs sociétés respectives.

Le CPD est responsable des Tbilissi Shelter City, des refuges pour accueillir les activistes défenseurs des droits humains qui sont persécutés ou mis en danger dans les pays d’Europe de l’Est. Ils peuvent ainsi avoir un toit et un accès à de nombreuses formations, notamment sur les réflexes sécuritaires à développer dans leur situation (digitale ou physique). La seule limite concerne l’accueil des activistes trans, parce qu’ils ne sont malheureusement pas en sécurité en Géorgie aujourd’hui.

L’école patriarcale du roi Tamar 

L’école patriarcale du roi Tamar est un internat pour des étudiants et apprentis géorgiens, issus de toutes les régions et de toutes les communautés du pays. Les élèves orthodoxes, catholiques, protestants et musulmans sont logés dans la même enceinte, partagent leur quotidien, et l’école met en place des facilités pour les respect des pratiques religieuses de chacun (par exemple : un bus emmène les étudiants musulmans chaque vendredi à la mosquée). L’objectif de cet internat est de rassembler les communautés géorgiennes autour de la préservation du patrimoine national et des pratiques traditionnelles : les apprentis y apprennent l’émail cloisonné, l’ébénisterie, la fabrication de feutre et de couture, ou encore les instruments de musique caucasiens.

Center for Development and Democracy

Le Center for Development and Democracy cible son action en direction des responsables religieux, en particulier ceux formés en Russie et le plus soumis à la propagande russe. C’est la raison pour laquelle il a d’abord concentré ses projets sur la communauté orthodoxe, largement majoritaire en Géorgie : l’obtention de la confiance de ses responsables a permis à CDD d’être une des seules organisations interreligieuses qui agit aujourd’hui avec le soutien de l’Eglise majoritaire. Le Centre organise des voyages de responsables orthodoxes, chiites, sunnites, arméniens et catholiques, à la découverte des institutions de gestion de la diversité dans les pays occidentaux : à Bruxelles pour rencontrer la Commission européenne par exemple, ou aux Etats-Unis pour étudier les liens entre religion et démocratie dans le pays. L’enjeu est de permettre aux responsables religieux de s’ouvrir aux valeurs occidentales pour accéder à un narratif différent de celui de la propagande russe, et dans le même temps d’envoyer un message fort de coexistence et de paix à leurs communautés respectives. Une vidéo montrant les différents responsables chantant une chanson traditionnelle géorgienne dans la librairie du congrès américain est devenue virale sur les réseaux sociaux, témoignant de la véritable demande sociale de voir coopérer les leaders religieux en Géorgie.

Bureau du Défenseur Public des Droits de Géorgie (Ombudsman)

L’Ombudsman est un bureau d’évaluation du respect des droits humains en Géorgie, qui conseille le gouvernement, analyse les lois, politiques et pratiques nationales en accord avec les standards internationaux et propose des recommandations. Le Bureau milite notamment pour la représentation des minorités et des femmes au sein des instances politiques locales.

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