Ce matin, nous partons tôt pour retourner à la fondation pour le développement culturel panafricain. Nous avons rendez-vous avec Noureini, notre hôte béninois, pour une interview. Nous prenons place dans la salle de conférence, où sont collées des dizaines d’affiches de manifestations culturelles organisées ces dernières années avec l’UNESCO. Il fait très chaud, et même si le bruit des ventilateurs gêne un peu Vincent-notre-ingénieur-du-son/cameraman/réalisateur-de-vidéos dans son travail, nous les laissons allumés pour que Noureini reste à l’aise.
Noureini est l’ancien responsable du département Afrique de l’UNESCO, et proche conseiller du ministère de la Culture au Bénin depuis des années. Son grand combat, c’est de faire prendre conscience à l’Afrique de l’Ouest de la valeur de son art, lui permettre d’être fière de son identité culturelle. C’est en partie pour cette raison que Noureini préside aujourd’hui le comité qui demande la restitution des œuvres que la France s’est appropriées au Bénin lors de la colonisation, et qui sont depuis exposées dans de nombreux musées parisiens et provinciaux. Il nous a véritablement ouvert les yeux sur la violence que cela représente, ainsi que sur un aspect passionnant du patrimoine béninois : le lien très fort qu’il constitue entre le culturel et le cultuel. Les œuvres sont exposées en France pour leur beauté artistique, mais Noureini nous apprend que son peuple n’avait même pas conscience de cette valeur auparavant. Lorsqu’il regarde un masque, il ne le trouve pas « beau », parce qu’il y voit avant tout ses ancêtres, un lien indéfectible avec les divinités naturelles qui incarnent l’être suprême sur terre, des âmes chargées de veiller sur lui et de le conseiller. Cet aspect cultuel est vidé de sa substance quand l’œuvre est exposée avec nos standards occidentaux, préservée dans une cage en verre, visible dans une salle remplie de touristes. Noureini souhaite les rendre accessibles dans un musée béninois, avec une médiation permettant à ceux qui n’ont pas conscience de l’aura cultuelle de ces œuvres de s’en imprégner. Il souhaite qu’elles puissent voyager, être prêtées à des musées étrangers, circuler, mais toujours selon les termes du Bénin car elles lui appartiennent.
Nous sortons de ce rendez-vous avec un nouveau regard sur le patrimoine Béninois, et avec l’envie d’en apprendre plus sur cette culture que nous connaissons décidemment bien peu. On en discute autour d’un plat de riz dans le petit restaurant près de chez nous, puis Jules notre chauffeur vient nous chercher pour nous emmener à Cotonou. Nous avons rendez-vous avec l’ambassadrice de France au Bénin, qui nous reçoit dans son bureau. Après la traditionnelle présentation du projet, elle nous parle du contexte du pays, et notamment de la très fort collaboration interreligieuse qui l’habite. D’après elle, les musulmans, les chrétiens et les représentants des religions traditionnelles entretiennent d’excellentes relation depuis longtemps, et leurs représentants se retrouvent régulièrement à tous les évènements diplomatiques.
Jules nous raccompagne à Porto Novo après ce rendez-vous, et nous avons tous les 4 une drôle de sensation sur la route, nous réalisons que les voitures conduisent vite et dangereusement et que nous évitons plusieurs fois l’accident. Malheureusement, une fois arrivés à la maison, un appel de Rachel nous annonce que Jules n’a pas eu la même chance et qu’il a eu un accident sur le chemin du retour. Il est en bonne santé, malgré qu’il ait reçu un petit éclat, mais sa voiture est fichue. Heureusement, il y a eu plus de peur que de mal et nous nous couchons rassurés.
Adèle