Dès le commencement de son ère chrétienne, l’Europe centrale loge une large communauté juive, qui ne cessera de voler en exil d’un pays à l’autre du continent au gré des persécutions et des révoltes qu’elle subit. Les juifs d’Europe arrivent au plus grand de leur nombre au début du XIXe siècle: ils sont 7,5 millions. La Pologne en est l’un des trois grands bassins, avec l’Allemagne et l’Empire russe. La Seconde Guerre Mondiale, en éliminant 6 millions de juifs dans le monde, met un terme à la vivacité du judaïsme en Europe.
Aujourd’hui, des 28 millions d’habitants polonais, 87% sont catholiques. Ce chiffre mérite un premier éclairage: la Pologne, au contraire de ses voisins, ne cède pas aux influences de sécularisation des pays d’Europe Centrale. Parmi les minorités, la communauté musulmane est constituée d’une poignée de Tatars et timidement agrandie par les immigrations iranienne et pakistanaise. La minorité juive persiste très faiblement.
La Pologne est le premier lieu où nous avons décidé de mener notre devoir mémoriel. Nous avons voulu rendre hommage à ceux qui ont péri dans les camps allemands en nous rendant à Auschwitz, où deux millions d’hommes, de femmes et d’enfants sont morts parce que juifs, parce qu’handicapés, parce qu’homosexuels, parce que tziganes, parce que polonais… La visite du camp se fait en deux temps : un premier dans Auschwitz 1, musée reconstruit sur les lieux des anciens camps où nous frôlons des yeux des débris des déportés: cheveux, valises, vêtements… et un second dans Birkenau, camp de concentration en ruines où l’on pénètre dans les baraques dans lesquelles vivaient séparément hommes et femmes, intouché depuis les destructions opérées par les nazis eux-mêmes lorsqu’ils ont senti que la fin de la guerre penchait en leur défaveur. Le circuit de chacune des deux étapes s’achève devant un four crématoire. Le peuple juif de Pologne voit disparaître 90% de sa chair dans la Shoah entre 1939 et 1945.
Du côté de la vie, nous avons rencontré le Grand Rabbin Schudrich qui collabore avec le Grand Mufti et sa femme pour apporter dans les prisons polonaises de la nourriture hallal et kasher aux prisonniers qui le demandent. “Je n’ai pas besoin d’être d’accord avec toi pour travailler avec toi.”, commente-t-il. Lors des obsèques de Jean-Paul II, une grande cérémonie a également été organisée à son initiative dans la synagogue de Varsovie, qui n’avait jamais été aussi pleine. Chrétiens et juifs priaient côte à côté lors de ce moment fort de réunion judéo-chrétienne autour de la figure du Pape. “Je n’ai pas besoin d’être comme toi pour être avec toi.” conclut-il.
La fondation Rumi aussi travaille au vivre-ensemble en organisant des ateliers de théâtre lors desquels les participants incarnent, le temps d’une lecture, les figures principales des textes sacrés de leur voisin. Transposer son identité aux saints des autres rend compte à la fois de la puissance du texte et oblige à faire l’exercice de comprendre la philosophie de la religion de l’Autre. Andrzej Saramowicz, président de la fondation, affirme que “c’est notre intériorité que nous devons réformer pour changer le monde.”