“Il fallait reconstruire mon p’tit pays sur des ossements
Des fosses communes et puis nos cauchemars incessants”
Gaël Faye – Petit Pays
Déjà 28 ans depuis la fin du génocide des Tutsi. Déjà 28 ans, depuis cette effusion de sang. Un matin d’avril 1994, des hommes ordinaires, des Hutu radicalisés par la radio, les journaux et le gouvernement, prirent machettes et couteaux pour tuer leurs voisin·es, leurs ami·es et leurs collègues Tutsi. Déjà 28 ans, que plus d’un million de Tutsi périrent en à peine trois mois. Déjà 28 ans que les plaies restent ouvertes, que les morts hantent encore les esprits des survivant·es.
Pourtant, le Rwanda, bien qu’exsangue en 1994, a su se relever. Ce petit pays s’est tourné vers l’avenir et a essayé de tirer les leçons de son passé. Les initiatives citoyennes ne manquent pas. Toutes, bien que très différentes, répondent à des impératifs communs : reconstruire une nation unie avec les rescapé·es, les réfugié·es et les ancien·nes génocidaires, apprendre à vivre ensemble et à se réconcilier. Alors, comment la paix s’est construite progressivement après ces crimes contre l’Humanité ? Là où des religieux et religieuses ont pris part aux génocides, comment les initiatives interreligieuses et interconvictionnelles se sont inscrites au cœur du processus d’unité et de réconciliation ?
La justice, une première étape nécessaire
Le préalable à toute paix, qu’on entend ici comme une paix durable à long terme, passe souvent par la justice. La justice ne permet pas seulement la reconnaissance des préjudices à l’échelle individuelle mais aussi et surtout la reconstruction d’une société meurtrie. La paix ne peut donc se construire sans justice. L’État rwandais l’a bien compris et a voulu juger tous les auteurs et autrices du génocide des Tutsi. Deux processus se sont complétés : d’une part, un processus de justice pénale au Tribunal pénal international d’Arusha et dans les tribunaux nationaux pour les responsables de la planification et l’organisation des tueries, et d’autre part, un processus de justice populaire locale pour juger des centaines de milliers de tortionnaires. Le problème central a été de définir comment juger autant de génocidaires. En passant par la justice ordinaire, avec des appels et différentes instances, il aurait fallu 200 ans. Or, il fallait trouver la solution la plus rapide et juste possible pour permettre la réconciliation locale et nationale, pour prévenir d’autres tueries et reconstruire le pays.
Le Rwanda a alors mis en place à grande échelle le système des “Gacacas”, des tribunaux populaires qui permettaient jadis de résoudre des conflits au sein des villages et qui ont conduit à une justice restaurative à grande échelle suite au génocide des Tutsi. “Gacaca” signifie “herbe douce” en kinyarwanda, c’est-à-dire l’endroit où l’on se réunit. La justice restaurative met l’accent sur les conséquences matérielles et relationnelles du crime et permet de rétablir la relation entre victime et bourreau. Elle passe par l’écoute attentive des parties par un tiers indépendant, un juge. Elle aide les victimes à se reconstruire et diminue les risques de récidive pour les auteurs d’infractions. Si le suspect collabore, reconnaît ses crimes et demande pardon, sa peine est alors limitée. Les Gacacas nous permettent de comprendre qu’un autre type de justice est possible, celle qui passe par l’écoute et la réconciliation. Si cela a été possible pour un génocide, il est concevable de l’implémanter ailleurs, dans d’autres contextes.
Pour mieux comprendre la force de la justice restaurative, nous sommes donc allées à la rencontre d’un ancien juge populaire des Gacacas, Viateur. Viateur est actuellement directeur exécutif des scouts au Rwanda. Il a été très actif dans les processus de réconciliation et raconte qu’au sein des Gacacas, il a jugé des centaines de personnes, qu’elles soient laïques ou religieuses. Pour lui, la réussite des Gacacas réside dans l’écoute attentive et une réelle volonté individuelle et communautaire d’analyser ce que tout le monde a vécu. Les prémisses de la paix consistent ici en l’écoute aussi bien des victimes que des bourreaux. Ce processus permet une compréhension collective de ce qu’est la banalité du mal qui réside dans tous et toutes les génocidaires.
Pour accompagner ces Gacacas, il a fallu permettre aux bourreaux d’avouer à la société leurs crimes. Un conseil interreligieux s’est mis en place en 1996 notamment pour accompagner ces confessions individuelles au sein des Gacacas. Père Jean-Paul Nahigua et Cheikh Byaguetsa Seleman, membres de ce conseil, nous racontent qu’ils ont accompagné des bourreaux à se confesser et à avouer leur crime. L’aveu a une importance cruciale dans ce processus cathartique. L’aveu, c’est le moment où l’accusé prend la responsabilité de ses actes et reconnaît sa culpabilité. Comme le dit Jérôme Porée, philosophe auteur de Phénoménologie de l’aveu : “L’aveu ouvre le chemin de la réhabilitation sociale : avouer c’est faire le choix d’un monde commun.” L’aveu est donc ce moment précis où deux récits divergents peuvent enfin converger. Ce n’est donc pas seulement la reconnaissance d’un mal commis mais un premier pas vers une construction commune. Toutefois, l’aveu est une pratique complexe et controversée. On peut penser aux autocritiques staliennes et aux aveux forcés sous la torture. Il faut donc qu’il soit utilisé à bon escient lors de procès équitables. Alors là, l’aveu peut être un premier pas vers la paix. Ce monde commun entre deux personnes, dont parle Jérôme Porée, ouvre la brèche d’un monde commun national, une unité retrouvée.
Cette unité retrouvée permise par l’aveu ouvre alors la question du pardon. Rappelons que dans les Gacacas, la peine est limitée si le bourreau avoue et demande pardon. Or, un génocide, en tant qu’horreur absolue, meutre de masse planifié, est de l’ordre de ce que le philosophe Jankélévitch appelle “l’imprescriptible”, où le pardon demeure impossible. Les Rwandais·es ont fait un pari autre, ils et elles ont parié sur le pardon pour éviter l’engrenage des représailles et de la vengeance. Construire la paix, c’est alors parier sur l’avenir. Il a fallu aux victimes le courage de pardonner, ce qui n’est en aucun cas facile. Le pardon, aux racines très chrétiennes, est différent de l’oubli comme nous l’a rappelé à maintes reprises le père Innocent Consolateur interviewé lors de notre étude. D’après Jankélévitch dans son traité sur Le pardon, le pardon n’est pas de “l’usure temporelle”, attendre que le temps fasse son œuvre, ce n’est pas un processus rationnel qui chercherait une “excuse” à l’auteur du crime. Le pardon serait gratuit, “une manifestation pure et radicale de la volonté et dans l’instant”. Cette gratuité du pardon, que met en avant Jankélévitch, nous a bouleversées dans certains récits des personnes rencontrées.
Justice transitionnelle qu’elle soit pénale et restaurative, l’aveu et le pardon ont donc permis au Rwanda de rouvrir les plaies de l’Histoire du génocide. Alors que les plaies étaient vives, il a donc fallu les soigner, les panser.
Prendre soin des survivants et survivantes
La guérison commence par les soins les plus immédiats suite à une hémorragie générale. Il a fallu s’occuper des plus vulnérables : orphelins, veuves, familles dans le besoin. La Commission interreligieuse du Rwanda a alors mis en place des bourses pour que des étudiant·es puissent aller à l’école, et s’est occupée des femmes veuves ou en situation de précarité alors que leurs maris étaient en prison. L’association Ibuka a réalisé un plaidoyer auprès du gouvernement pour que celui-ci mette en place un Fonds d’assistance aux rescapés du génocide pour subvenir aux besoins urgents.
Au-delà des problèmes à court terme, de nombreuses problématiques sanitaires ont émergé à la suite du génocide. Les viols ont été utilisés comme des armes de guerre pendant le génocide et l’épidémie de SIDA a pu se développer. Après les tueries, les violences faites aux femmes ont augmenté du fait de l’acculturation à la violence et la santé mentale est devenue un problème d’ampleur au vu des traumatismes des rescapé·es et des génocidaires. Face à ces enjeux de taille, un Conseil interreligieux pour la santé (RICH) s’est constitué en 2002 pour sensibiliser les leaders religieux. Concernant le SIDA, l’organisation plaide à l’échelle locale en faveur de la contraception pour des couples sérodifférents et pour la prise de médicaments des personnes séro-positives. Ses membres travaillent avec les religieux pour la promotion des centres publics ISANGE pour femmes ayant subi des violences. Ces centres sont quasi-révolutionnaires à l’échelle internationale. Dans le même lieu, les femmes victimes peuvent trouver une aide médicale et psychologique, un abri pour être loin de leur conjoint et le service de procédure policière. RICH permet aussi la réintégration économique de ces femmes sur le marché du travail pour qu’elles prennent leur indépendance économique et sociale. Le Rwanda est en avance sur beaucoup de pays en ce qui concerne la protection des femmes battues et des violences à l’égard des femmes. La France pourrait en prendre de la graine. Pour faire face au problème de santé mentale, le Conseil interreligieux a lui mis en place des cellules d’écoute aussi bien pour les rescapé·es que pour les bourreaux en prison afin qu’ils et elles puissent se reconstruire.
Si on parle de soin , c’est qu’il ne faut pas seulement apaiser les symptômes mais aussi guérir de la maladie. Cette maladie, qu’il a fallu identifier pour la traiter au mieux, c’est l’idéologie du “Hutu Power”. Deux remèdes semblent avoir eu des effets. Tout d’abord, il a fallu désidéologiser et inculquer une nouvelle culture de paix chez les jeunes générations. Jacqueline de l’association Umuseke a mis en place un programme d’ateliers dans les écoles en plusieurs sessions qui s’intitule “Sentier de la paix”. Elle a été formée à Grenoble et utilise des images illustrées pour faire réfléchir les enfants. La culture de paix passe par la compréhension des dynamiques de la haine : illusion de sens, généralisation, préjugés et technique du bouc-émissaire. Elle souhaite que chaque enfant devienne un·e citoyen·ne responsable et renforce l’identité de chacun·e. La paix pour elle, c’est l’affaire du comportement individuel que chacun·e a avec autrui. Les professeur·es observent des changements de comportement chez les élèves suite aux interventions de Jacqueline : ils et elles respectent leurs camarades, non pas par obéissance aveugle aux règles, mais par un désir de faire ce qui est juste et c’est peut-être ça la culture de paix. Le remède qu’a trouvé le gouvernement du Rwanda est un peu différent. Le père Innocent Consolateur, engagé pendant 13 ans dans la Commission nationale pour l’unité et la réconciliation met l’accent sur l’importance d’une identité nationale rwandaise. Chaque Rwandais·e devrait oublier sa tribu d’appartenance et se penser d’abord et surtout Rwandais·e. Il nous a même fait une blague en expliquant que Saint Augustin disait : “Aime et fais ce que tu veux” et qu’aujourd’hui au Rwanda, il s’agirait de dire “Sois Rwandais·e et fais ce que tu veux”. Cet imaginaire national permet alors une unité au sein des consciences, de recréer un pays réconcilié. Au Rwanda, il est presque interdit de dire “Hutu” et “Tutsi”. Pour inciter les Rwandais·es à prendre part à l’effort collectif, le gouvernement organise pour favoriser le lien social et la reconstruction nationale, une fois par mois, l’Umuganda. Il s’agit d’une demi-journée où tous les citoyens et citoyennes du pays se regroupent par quartier pour effectuer des travaux pour la collectivité. L’Umuganda est un “bénévolat obligatoire” qui permet de fédérer et de créer du lien social dans le quartier. Après les travaux, les habitant·es du quartier prennent un verre ensemble. Bien que l’idéologie nationaliste m’interroge, bien que ce bénévolat obligatoire dans un régime sous dictature me pose question, je reste persuadée que ces réponses apportées par le gouvernement ont été des solutions qui ont mené à la construction d’une paix durable au Rwanda.
La paix au Rwanda a donc été possible grâce à ce processus de soin. Soigner, c’est panser les plaies directes du génocide tout en s’attaquant aux racines du mal, aux idéologies, c’est inculquer une culture du paix et inviter à plus de cohésion sociale. Avec la justice, le soin, la société rwandaise et le gouvernement ont aussi choisi de mettre très rapidement en place un travail de mémoire pour que chacun et chacune sache ce qui s’est passé et ne nie pas l’Histoire.
Faire mémoire pour ne jamais oublier
La mémoire a joué un rôle essentiel dans la reconstruction nationale au Rwanda. Pendant 10 jours, chaque année, en avril, le Rwanda est en deuil. Les bars et les restaurants sont pratiquement à l’arrêt, l’impératif est au recueillement. Tout le monde rend alors hommage aux victimes du génocide des Tutsi. Pourtant, au départ, cela n’était pas chose aisée. Naphtal de l’association Ibuka raconte que les membres de l’organisation sont allé·es convaincre un par un, les chef·fes religieux, qui au départ, ne voulaient pas prendre part aux commémorations. Pour combattre le négationnisme, les travaux sur les archives de l’association ont alors joué un rôle central. Ensuite, il a fallu faire vivre cette mémoire collective aussi bien la commémoration du génocide des Tutsi que des évènements pré-génocidaires. C’est ce que fait Agis Trust, une ONG britannique fondée en 2000 qui milite pour prévenir les génocides dans le monde. L’association anime des ateliers dans les écoles et facilite le témoignage de rescapé·es du génocide. Ces témoignages très incarnés permettent de ne plus voir l’Histoire comme quelque chose de lointain mais de l’appréhender par l’empathie de la souffrance d’autrui.
Agis Trust a aussi financé le mémorial du génocide de Kigali dans le quartier de Gisozi que nous avons visité. Les dynamiques pré-génocidaires y sont très bien expliquées. Tout d’abord, l’exposition du mémorial met en lumière l’importance de l’idéologie promue par le colonisateur belge de supériorité de la “race” Tutsi sur les Hutu. Les Belges, en s’installant au Rwanda, ont eux-mêmes mis en place cette distinction entre Hutu et Tutsi qui était simplement, avant leur arrivée, des classes sociales où le changement de statut pouvait se faire facilement. En s’appuyant sur cette division raciste de la société rwandaise, les Belges ont ainsi pu asseoir leur pouvoir dans le pays. Ensuite, le mémorial met en évidence le rôle des médias comme RTF, Radio Télévision des Milles Collines et le journal Kangura. Hassan Ngzez écrit par exemple dans ce journal dans les années 1990 : « Nous disons aux Inyenzi que s’ils lèvent leurs têtes encore, il ne sera plus nécessaire d’aller combattre l’ennemi en brousse. Nous commencerons par éliminer l’ennemi intérieur… ils disparaîtront ». Inyenzi, signifie cafard en kinyarwanda. Il s’agit d’une stratégie pour déshumaniser les Tutsi et inculquer aux masses l’idéologie raciste entre Tutsi et Hutu. “Les 10 commandements hutu” sont alors publiés par le journal Kangura et énoncent leur exclusion de la société, voici la photo ci-dessous.[PHOTO] Puis, un accent est mis sur la responsabilité des leaders religieux dans le massacre. Les Tutsi s’étaient caché·es dans des églises lors des massacres de 1959, 1963 et 1973. Le gouvernement d’Habyarimana l’ayant compris a converti de plus en plus de leaders religieux à l’idéologie du Hutu Power afin d’encore mieux appliquer sa logique génocidaire. Même si certains ont protégé des Tutsi, beaucoup de leaders religieux ont participé activement au massacre. Les leaders interreligieux dénoncent collectivement les actes individuels mais seulement quelques-uns reconnaissent la responsabilité de l’institution et son rôle central, puisque beaucoup de Tutsi se sont caché·es dans les églises et sont morts dedans, tué·es par les prêtres eux-mêmes ou laissés à l’abandon à une mort certaine par ces derniers. Les excuses de l’Église catholique semblent insuffisantes. Ce déni de responsabilité est problématique car il rend plus difficile le travail de mémoire mais aussi le travail de la justice – la preuve en est que certains prêtres génocidaires résident en France et sont encore protégés par l’institution catholique.
Enfin, l’aveuglement de la communauté internationale et la responsabilité de la France dans le conflit sont aussi des causes évoquées. Avant le génocide, le général Dallaire demande beaucoup plus de soldats à l’ONU : « Donnez-moi les moyens, je peux faire mieux. » écrit-il alors, mais la communauté internationale reste stoïque. L’Organisation de l’Union Africaine (OUA) ne met même pas à l’odre du jour en 1994 le génocide en cours au Rwanda, le seul à le condamner publiquement est alors Nelson Mandela. La commission Duclert l’a mis en valeur, la France a armé et formé l’armée d’Habyarimana contre les forces du FPR. Rappelons qu’en 1993, il existe un contrat d’armement avec Kigali. François Mitterand avait pourtant été prévenu du danger de génocide mais a choisi d’ignorer les avertissements du terrain et les forces françaises ont aidé le gouvernement provisoire. Avec deux hélicoptères vraisemblablement conduits par les forces françaises, la France a détruit une colonne du FPR, armée des Tutsi réfugié·es en dehors du Rwanda et a ainsi transformé un coup d’Etat rapide en une guerre plus longue qui a permis un tel massacre.
Toutes ces causes, le racisme des colonisateurs, l’idéologie nauséabonde des médias et du gouvernement Hutu, le silence de la communauté internationale, la responsabilité de la France, nous permettent de mieux comprendre ce qui s’est joué lors du génocide rwandais. Faire mémoire, c’est aussi bien distinguer causes et justifications. Les causalités du génocide sont nombreuses et édifiantes mais un génocide n’a et n’aura jamais de justification. Apprenons donc de toutes ces causes, soyons alertes quand les idéologies racistes se réveillent, quand la communauté internationale reste silencieuse. Apprendre de l’Histoire du génocide, c’est aussi apprendre des personnes à contre-courant, celles et ceux qui n’ont pas suivi la masse active ou la masse inerte, celles et ceux qui ont su protéger les victimes. Naphtal, d’Ibuka, nous a donc rappelé l’importance de la mémoire des Justes, des Hutu qui ont protégé les Tutsi. Avec Ibuka, les membres de l’organisation ont réalisé une étude pour comprendre les motivations de ces familles. Certaines personnes étaient bouleversées par l’injustice, d’autres l’ont fait par devoir moral religieux et enfin certaines grâce à l’Igihango. Igihango est un rituel des religions traditionnelles au Rwanda qui permet de lier des familles entre elles. Si une famille est attaquée, l’autre va l’être aussi. Ainsi, les familles Tutsi et Hutu qui étaient liées par l’Igihango se sont mutuellement protégées. L’Igihango met en lumière notre interdépendance et notre interconnexion. Ce rituel nous rappelle à nous, membres des sociétés contemporaines individualistes, que nul·le ne peut rester ignorant·e et impassible devant la souffrance d’autrui. Faire mémoire, ce n’est pas seulement se souvenir des crimes, c’est comprendre ce qui a motivé et contribué aux actes de courage des hommes et des femmes ordinaires. Faire mémoire, c’est se “servir de l’histoire” pour être, au moment venu, du bon côté.
Conclusion
Les membres de la société civile, le gouvernement, les actrices et acteurs de paix, les membres des initiatives interreligieuses et interconvictionnelles se sont mobilisé·es par nécessité, dans l’urgence, pour construire cette paix. Leur engagement démontre que si tous les membres d’une société se mobilisent, si le gouvernement met les fonds et encourage une telle reconstruction, les choses peuvent changer. Le Rwanda est aujourd’hui un des leaders en ce qui concerne la prévention du droits des femmes, de plus en plus de personnes sortent de la pauvreté et la malnutrition infantile commence à diminuer. La lumière est là, au bout du tunnel. La leçon que nous pouvons tirer de notre étude du Rwanda pourrait être la suivante : il n’est pas possible de s’envoler loin des tragédies collectives comme un génocide. Il faut se battre ici et maintenant pour faire mémoire et prendre les problèmes, les défis, un par un, à bras le corps. Le Rwanda est un exemple de résilience sans commune mesure et nous rappelle que “la paix est une création continue” comme le dit le philosophe Poincaré. Alors construisons la, pas à pas.
Pour aller plus loin sur le génocide des Tutsi et le rôle de la France …
Si l’histoire du génocide vous intéresse je vous invite à lire les neuf articles dans Le Monde sur le génocide, ils sont très bien écrits par Pierre Lepidi et sont très édifiants. Voici deux qui m’ont beaucoup plus :
- Au Rwanda, les collines de Bisesero soulèvent la question du rôle de la France
- Rwanda, 1994 : l’église Saint-Jean de Kibuye, oubliée de Dieu
Je vous recommande aussi le numéro de la Revue Esprit sur le génocide
- Leçons rwandaises ( C’est le nom du numéro de la revue spécifique sur la mémoire du génocide et le rôle de la France, vous y trouverez les extraits du rapport Duclert )
- Une longue errance. La justice française et la « complicité de génocide » au Rwanda par – Joël Hubrecht ( Très bon article sur la responsabilité de France)
Enfin, Le Monde diplomatique a aussi fait une série d’articles. Je vous recommande particulièrement celui sur le silence de l’OUA :
Pour aller plus loin sur certaines des thématiques évoquées …
La justice
- Phénoménologie de l’aveu – Poré
- Le pardon, Jankélévitch
- Pardonner. L’impardonnable et l’imprescriptible – Derrida
- Rwanda : les « gacaca », ces tribunaux populaires par lesquels le « miracle » est arrivé – Les lieux du génocide (9/9).
La guérison
- Sur les centres ISANGE – voici le site de UN Women qui en parle
- Guérir du traumatisme du viol – Podcast passionnant “La voix de femmes autochtones” – Un témoignage poignant : C’est une quête au nom de la dignité pour tous ces enfants nés de viols. Ces enfants appelés « cadeau du malheur » seraient entre deux et trois mille. Ils ont aujourd’hui 25 ans et pas d’autre choix que de vivre avec cet héritage empoisonné. Comment grandir quand on est, malgré soi, le rappel vivant de la barbarie?
La mémoire
- Rwanda : les « gacaca », ces tribunaux populaires par lesquels le « miracle » est arrivé – Les lieux du génocide (9/9) – Pierre Lepidi dans Le Monde
- Jean-Pierre Chrétien, Marcel Kabanda, Rwanda. Racisme et génocide. L’idéologie hamitique
- Rwanda : de la guerre au génocideLes politiques criminelles au Rwanda (1990-1994) – André Guichaoua
- Le génocide des Tutsi rwandais vingt ans après – Stéphane Audoin-Rouzaeu et Hélène Dumas
- Le rapport Ducret : les 1200 pages du rapport son disponible sur internet
- « Les politiques de la haine : Rwanda, Burundi, 1994-1995 », 583, juillet-août 1995. Claudine Vidal, Marc Le Papa
Bibliographie complémentaire
Si vous voulez vous instruire avec des documentaires et des livres, voici très belle bibliographie produite par Coexister France :
Reportages et documentaires
- Watchers of the Sky, Edet Belzberg et E. B. Michele, 2014
- Dossier “Génocide Rwandais, la France reconnaît ses responsabilités””, disponible sur Arte
- Inkotanyi : Paul Kagame et la tragédie rwandaise, Christophe Cotteret, France, Belgique, 2017
- Rwanda, une renaissance, Sandra Rude, France, 2019
Livres
- Stéphane Audoin-Rouzeau, Hélène Dumas, « Le génocide des Tutsi rwandais, vingt ans après », Dossier, Vingtième siècle. Revue d’histoire, n°122, avril-juin 2014.
- Jean-Pierre Chrétien (dir.), Rwanda. Les médias du génocide, Paris, Karthala, 1995.
- Jean-Pierre Chrétien Le défi de l’ethnisme. Rwanda et Burundi, Paris, Karthala, « Les Afriques », 2012 [1997].
- Jean-Pierre Chrétien et Marcel Kabanda, Rwanda, racisme et génocide. L’idéologie hamitique, Paris, Belin, 2013.
- Roméo Dallaire, J’ai serré la main du Diable. La faillite de l’humanité au Rwanda, Montréal, Éditions Libre expression, 2003.
- Hélène Dumas, Le génocide au village. Le massacre des Tutsi au Rwanda, Paris, Seuil, « L’univers historique », 2014.
- Jean-François Dupaquier, L’Agenda du génocide. Le témoignage de Richard Mugenzi, ex-espion rwandais, Paris, Karthala, 2010.
- Jean-Paul Kimonyo, Rwanda. Un génocide populaire, Paris, Karthala, 2008.
- Linda Melvern, Complicités de génocide : comment le monde a trahi le Rwanda, Paris, Karthala, 2010.