PortraitsSaison 5

S’engager pour la mémoire du génocide au Rwanda – Naphtal

Son portrait

Naphtal a 47 ans, le regard profond, la posture digne. Il est rwandais et catholique. S’il est né presbytérien, il quitte son Église après son implication dans le génocide. D’ailleurs, il nous explique que beaucoup de rescapés vont changer d’Églises après le génocide en raison du sentiment de trahison qu’elles et ils ressentaient. Naphtal est aussi et surtout rescapé du génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda, cela fait intégrante de son identité. Il étudie la pédagogie à l’université de Kigali, et pendant ses études supérieur, il est membre de de l’association étudiante des personnes rescapées du génocide. Il est donc depuis toujours impliqué sur les questions de mémoire mais aussi de solidarité pour reconstruire ce qui a été détruit. Il est aujourd’hui secrétaire exécutif d’Ibuka après avoir été le chef du département mémoire et documentation.

Je suis optimiste. À partir de ce qu’on a fait, en voyant là où nous étions et là où nous en sommes aujourd’hui, je suis vraiment optimiste, grâce à ces changements qu’on voit de jour en jour. D’ailleurs, beaucoup de Rwandais·es sont optimistes.

L’organisation

Créé en décembre 1995, Ibuka est un collectif de 15 associations qui font mémoire du génocide des Tutsi. Le collectif a été créé pour être la voix des rescapé·es du génocide et les représenter dans différents domaines afin de réclamer la justice.

Le génocide des Tutsi a non seulement mené à la mort de 800 000 à 1000 000 de personnes, mais a aussi tout détruit sur son passage (bétail, maison, infrastructures). L’association travaille donc à la reconnaissance puis à la réparation de tout ce qui a été détruit par les génocidaires.

Ibuka c’est le cœur de la mémoire au Rwanda. Leur vision est que pour prévenir et lutter contre le génocide il est vital d’en préserver la mémoire. Ibuka réalise plusieurs actions : collecter des données et des témoignages autour du génocide, faire du plaidoyer auprès du gouvernement et améliorer les conditions de vie des personnes rescapées. Depuis sa création, Ibuka a accompagné plus de 30 000 personnes, octroyé des aides financières à plus de 107 000 étudiantes et étudiants et a également financé des projets générateurs de revenus.

Et l’interreligieux dans tout ça ? Beaucoup d’institutions religieuses, d’églises ont joué un rôle dévastateur pendant le génocide. Juste après le génocide, beaucoup ont d’ailleurs été le lieu du plus vil négationnisme, disant qu’il fallait oublier, laisser cette violence dans le passé. Certaines disent encore que ce n’est pas la responsabilité des Églises, mais des individus, mais il faut comprendre que ces individus représentaient les Églises, étaient les Églises. Ibuka continuera de travailler pour la reconnaissance de cette responsabilité. Après de grandes campagnes de plaidoyer et de sensibilisation, les églises sont aujourd’hui des lieux essentiels de vecteurs de mémoire pour leurs fidèles et certains responsables religieux ont participé activement à la réconciliation.

Ses conseils

Naphtal n’a qu’une seule chose en tête : travailler sans relâche pour que le génocide et ce qui a mené au génocide ne soit jamais oublié et ne soit plus jamais remis en question.

Il nous a partagé une étude réalisée actuellement par Ibuka sur les justes, les personnes qui ont sauvé des Tutsi pendant le génocide. Le but de l’étude est de comprendre quelles étaient les raisons profondes que ces personnes avaient de sauver des Tutsi. C’était intéressant de découvrir qu’un grand nombre de justes l’ont fait au nom de leur religion, au nom du Dieu auquel ils et elles croyaient. D’autres l’ont fait au nom de la justice, pour eux et elles, les Tutsi étaient innocents et c’était la seule raison valable de les protéger. Ce type d’étude est nécessaire pour continuer de réaliser les missions d’Ibuka.

Naphtal nous a aussi partagé sa vision des défis actuels du Rwanda. Pour lui, l’idéologie génocidaire est encore présente, trop présente, dans les paroles, les actes, c’est pourquoi il ne faut jamais arrêter d’éduquer les gens. 28 ans après, les conséquences du génocide sont encore bien présentes, notamment les sujets de santé mentales.

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