Portrait
Conrado désirait d’abord discuter de notre action avant de se prêter au jeu de l’interview. Il est prêtre jésuite et directeur de Jesuit Refugee Service (JRS) Mexico. Tout au long de sa vie, il s’est engagé radicalement au sein d’actions non-violentes en Amérique Latine.
Au Chiapas, avec un groupe interreligieux non-violent et les “Christian PeaceMakers”, il nous raconte qu’il est allé voir des soldats de l’armée mexicaine au sein même d’une base militaire pour amorcer un dialogue. Ils et elles ont protesté par leur corps, par des actions non-violentes et en leur offrant des fleurs. En Colombie, il s’est rendu face à la junte paramilitaire de nouveau pour contrer les violences. Certain·es sont resté·es muet·tes ; d’autres se sont interrogé·es et un dialogue a pu être amorcé. Pour Conrado, la non-violence doit être totale et doit aussi passer par le changement de notre langage. Son engagement s’est déclenché très jeune, quand il passe du temps avec des populations autochtones zapotèques, non loin de Oaxaca. Il a été marqué par l’importance du partage de ces personnes très précaires et discriminées. Pour lui, le plus important, c’est l’action concrète.
Spécialisé autant en théologie, qu’en philosophie et en anthropologie sociale, son érudition transparaît dans ses actions pour une société plus juste et égalitaire. Il dénonce le capitalisme. La lutte pour les droits des personnes réfugiées et déplacées lui semble primordiale. Il nous explique que “Le Mexique n’est pas préparé à la diversité, le système est paralysé”. C’est pour cette raison qu’il a pris la direction de JRS.
Contexte
D’après Conrado, la situation est catastrophique pour les réfugié·es au Mexique. Ils et elles fuient la guerre, la pauvreté, les conséquences du changement climatique, les violences liées à leur orientation sexuelle ou à leur genre. Mais ils et elles sont souvent bloqué·es aux postes de frontières. Trois catégories sont encore plus vulnérables que les autres : les femmes, les mineur·es isolé·es et les personnes LGBTQIA+.
Tous les ans, entre 400 000 et 500 000 personnes transitent par le Mexique et parmi elles, 150 000 ont besoin de protection. Le gouvernement ne peut fermer les yeux et c’est pourquoi en plus de l’action de terrain, Conrado mène avec Jesuit Refugee Service (JRS) une action de plaidoyer afin de donner plus de droits aux personnes réfugiées et déplacées pour leur survie.
Une grande partie de leur action se déroule à Tapachula, une « ville prison » pour les migrant·es. De nombreux réfugié·es, et notamment des Haïtien·nes, restent souvent bloqué·es dans cette ville pauvre du Chiapas. L’association est donc au cœur de l’action et Conrado ne conçoit pas sa spiritualité en dehors de cette action du quotidien. Pour lui, croire, c’est agir.
Actions
Conrado fait partie de l’association Jesuit Refugee Service (JRS) Mexico. Cette organisation internationale s’engage auprès des personnes réfugiées et déplacées par plusieurs biais, dont un soutien psycho-social, l’aide d’urgence, la protection juridique, le plaidoyer auprès du gouvernement et l’accès à des soins de santé indispensables.
JRS Mexico organise, par exemple, un événement interreligieux avec et pour les réfugié·es pour la fête de Posada. Il s’agit d’une fête mexicaine qui dure 9 jours entre le 16 et le 24 décembre. En espagnol, « posada » veut dire « auberge ». La tradition des posadas, qui remonte au XVIe siècle, commémore le voyage que firent Joseph et Marie de Nazareth à Bethléem où naquit Jésus. En chemin, le couple demanda l’hospitalité pour passer la nuit et c’est ainsi qu’ils arrivèrent sains et saufs à Bethléem. Il s’agit d’une fête de voisinage qui reconstitue la fête de la Nativité. Pour Conrado, ce type de rassemblement convivial permet aux réfugié·es de s’échapper de leur quotidien éprouvant et de créer des liens plus informels.
Le témoignage de Conrado nous a bousculées. Nous avons été marquées par la flamme qui l’anime quand il parle de son engagement pour la justice et la paix. Ses actions non-violentes contre les forces armées démontrent qu’il est possible d’agir autrement qu’avec les armes de lutte dominante. Militer, c’est aussi choisir un mode d’action en accord avec ses principes !